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Souhaitant profiter de nos semaines de cours allégées et de deux jours fériés consécutifs, nous nous offrons une semaine de vacances en août. Maryselva, la mère d’Enguerran nous a rejoint depuis le 8, nous voyagerons donc à trois, et pour la première fois non accompagnés par des indiens !
Nous cherchons des destinations incontournables et facilement accessibles en train, et rapidement se dessine le trajet d'une semaine Jaipur – Khajuraho – Varanasi – Agra – Jaipur. Un check météo nous confirme la possibilité de voyager à ce moment, bien que quelques averses soient prévues.
Ce premier périple en autonomie marque notre première expérience avec les trains indiens. Passons les détails de réservation des billets et commençons avec le voyage :
Mercredi 13, 5h00, nous quittons l’appartement en avance avec le moins d’affaires possible : inutile de se charger. Trouver un auto rickshaw la nuit n’est pas aisé, et il est difficile de négocier ! On s’en sort pour 200 roupies (rappel, 1€ = 80rps).
A la gare, nous sommes surpris de voir tout le monde dormir par terre, dans le hall comme sur les quais. Nous prenons le train sur le bon quai et à la bonne heure. Sauf que ce n'est pas le bon train : une fois démarré, nous apprenons qu’il ne va pas à Khajuraho. Heureusement, un homme nous suggère un trajet de secours pour arriver à destination. Nous nous arrêtons, rachetons des billets, faisons un détour par Agra puis atteignons Khajuraho le lendemain matin. Nous passons notre première nuit dans les wagons couchettes plutôt qu’à l’hôtel.
KHAJURAHO
Une fois sur place, on s’empresse de trouver un hôtel pour se délester de nos affaires. On en trouve un "continental", pastiche européen, ce à quoi l'Inde à l'air d'aspirer pour le moment. Pas cher et très propre, 800rps la nuit pour trois, ça fait l’affaire. On nous offre un chai (« tchaye »), thé noir indien avec du lait et des épices, puis on part en vadrouille ; le planning de visites n’est pas retardé.
Khajuraho a été un repère de constructions religieuses vers les X-XIème siècles : plus de 80 temples y ont été érigés, puis laissés à l’abandon. Redécouverts au XIXème siècle, on y trouve aujourd’hui une vingtaine de temples hindous et jaïns, rénovés ou en cours de rénovation. Nous commençons par visiter le groupe principal à l’ouest de la ville, qui propose 12 temples sur 10ha et dont l’accès est payant (avec supplément caméra).
Nous accédons à un parc entretenu calme : des allées entourées de pelouses fraichement coupées nous guident jusqu'aux premiers temples. On doit se déchausser avant d'y entrer : le contact de la pierre fraiche est agréable car même de petit matin, les températures grimpent rapidement.
Certains sont encore en activité : commençant la visite d'un petit temple en pierre avec un sanglier au centre, une horde d'indiens nous envahit en chantant et touchant la statue. On se retrouve piégé dans le flot de ferveur. Chouette immersion.
Sanctuaire de Varaha, incarnation de Vishnu sous la forme de sanglier
On évolue dans le parc et on comprend que tous les temples sont conçus selon le même modèle : un socle massif surélève le sanctuaire d'environ trois mètres. Avant d'entrer dans le temple, on en fait le tour et on découvre ses sculptures de pierres plus ou moins bien conservées, plus ou moins restaurées. Elles représentent systématiquement la naissance, le travail, et la vie sexuelle, trois prérequis avant d'entrer dans le temple et de se consacrer à la religion.
A Khajuraho, on trouve plein de sculptures érotiques, allant des nymphes aux positions suggestives aux scènes de gymnastique collective incluant parfois des animaux.
15h, on quitte le parc et on commence à visiter les temples avoisinants. En chemin, on rencontre un indien qui nous fait la conversation et nous accompagne au prochain temple.
Notre ami un peu collant nous explique qu'un aéroport international est en construction à Khajuraho, il devrait ouvrir d'ici un an. Le parc que nous avons visité précédemment devrait s'agrandir et inclure d'autres temples, dont celui-ci.
Les ruines du Chausath Yogini Temple
On s'y attarde un peu pour que l'indien nous lâche, mais il attend et insiste pour qu'on aille boire un chai chez lui… On hésite, puis accepte. On découvre donc un petit village où les touristes doivent mettre les pieds bien peu souvent. Tous les jeunes nous regardent, amusés, et nous font des signes de la main : "Hello bye ! Hello bye !".
Il habite dans une petite maison avec ses parents et ses enfants : elle est composée de trois chambres organisées autour d'une cour centrale où se font cuisine et toilette. En préparant le thé, il exhibe fièrement les cahiers d'école de ses enfants et essaye de nous vendre quelques babioles. On fait ensuite le tour de sa demeure, on monte sur le toit, puis on remarque un puits au milieu de la cour avec des grenouilles dedans… "C'est l'eau que j'utilise puis me laver, faire à manger… - Ah ! Et pour chai ? - Oui, oui, l'eau du chai aussi ! - Euh… ok."
Le puits
On fait un tour du village avant de se dire au revoir. On rejoint le centre-ville, où l'on apprécie un bon repas dans un petit restaurant à la tombée de la nuit, avant de rejoindre notre hôtel.
Vendredi, rebelote, encore des temples. Cette fois, ils sont dispersés dans les villages alentours, ce qui nous laisse la journée pour nous promener tranquillement.
Nous errons donc de village en temple pendant une marche de 6 petits km, sous un soleil assommant.
Mathilde a trouvé une maison à sa taille
La séquence Khajuraho s’achève à la gare, où nous rencontrons Hugo, étudiant à Nancy. Allez dites-le, le monde est petit ! Comme nous, il va à Varanasi, nous échangeons alors nos expériences indiennes jusqu’à 23h40, l’heure de départ de notre train. Une nuit de plus en wagon-couchette, tous les quatre dans le même compartiment. On n’y dort pas mal.
Hugo, Mathilde et Enguerran
VARANASI
On arrive le lendemain à 11h à destination. Le train s’arrête à 200 m du quai, on descend sur les rails et on continue à pied. Hugo nous négocie un tuk-tuk pour rejoindre le centre ville, puis on le se fraie un chemin dans le dédale de ruelles. Il n’y a pas de voitures dans cette partie de la ville, seules les motos et les vaches contrarient notre déambulation. Voici the Yogi Lodge, un hôtel bon marché recommandé par notre colloc' (et le Routard).
Soulagés d’être arrivés, et bien assommés, nous prenons notre temps : lecture pour les uns, sieste pour les autres. Nous prenons finalement la décision de sortir un peu tous les trois, en fin d’après-midi. Pour la première fois, nous voyons le Gange. Il est marron, très large et file à toute vitesse. Nous cherchons ensuite « the Blue Lassi », un petit bar à lassi (souvenez-vous, le lait sucré de l’école) très réputé. On passe par les grandes rues, on se perd, pour finalement retomber sur notre hôtel. On nous indique le chemin à prendre, très simple. Nous y sommes en 5 minutes. Préparé avec des fruits frais, ce breuvage nous ravi.
L’intérêt de Varanasi, considérée comme une des plus vieilles villes du monde, n’est pas là. Haut lieu de culte pour les hindous, de nombreux pèlerins viennent se baigner dans le Gange pour se laver de leurs péchés. Mais c’est aussi un lieu idéal pour mourir : rendre son dernier souffle ici clos le cycle des réincarnations et l’âme peut atteindre le nirvana ; et le corps du défunt disparaît dans une cérémonie pleine de traditions.
On voit passer des cadavres dans la rue, enveloppés dans du tissu doré et recouverts de fleurs, transportés dans une civière en bois par quelques hommes. Près de crématoriums, le processus peut commencer : le corps est plongé dans l’eau du Gange puis installé sur le bûcher. L'aîné de la famille se rase la tête en laissant une petite mèche au sommet. Le corps brûle pendant plusieurs heures, selon la qualité du bois choisi. Les gros os ne brûlent pas bien, tout ce qui reste est jeté dans le fleuve. Il y a toujours des corps à brûler à Varanasi, les énormes tas de bois nous le font comprendre.
Ce soir, nous nous approchons de la ghât de crémation principale pour s’imprégner de l’ambiance du lieu. Les ghât sont des séries de marches qui donnent accès au Gange. C’est le point de rendez-vous pour toutes les cérémonies. Un indien nous emmène dans un bâtiment pour observer le feu depuis un bon angle. Il nous explique le procédé, on ne voit pas grand-chose. On redescend pour laisser la place à d’autres curieux touristes.
Cela n’a pas suffi à nous dégoûter, nous allons au restaurant. Depuis la terrasse d’un immeuble de quatre étages nous apercevons le Gange qui se dessine dans la nuit. Nous mangeons aux côtés d’autres touristes, anglais bien souvent. Au menu : soupe (très bonne) et pain (correct, un peu acide !) pour les filles, hamburger au poulet pour Enguerran. Repus, nous retournons à l’hôtel en quelques minutes de marche.
La journée de dimanche est consacrée à la découverte du site archéologique de Sarnath, situé à une dizaine de kilomètres au nord de Varanasi. Bouddha est passé par là, des monastères et des ‘stupas’ ont été construits, les musulmans les ont ravagés et les britanniques les ont redécouverts. Nous ne comprenons pas tout ce que nous voyons, mais la promenade dans le paisible parc de ruines est bien agréable. Beaucoup d’indiens s’y retrouvent en famille pour passer un après-midi tranquille loin de la fureur de Varanasi.
La "tour" en brique est une stupa
Nous visitons le petit musée archéologique pour quelques roupies et achevons notre passage à Sarnath au restaurant. Dans la salle, parmi les grands poster d’édifices du coin, une intruse : la tour Eiffel. C’est amusant mais déplorable.
De retour à Varanasi, nous entreprenons le repérage d’autres ghâts, elles sont très nombreuses dans cette partie de la ville. La nuit est tombée, nous nous asseyons sur la berge. En observant l’eau doucement agitée du fleuve, nous apercevons des os humains coincés dans les cordages des bateaux. Un vieillard amusé vient sereinement les libérer depuis sa barque. Des chiens mordent des os échoués, accompagnant ce moment suspendu.
Réveil 4h30 le lendemain pour assister aux ablutions de l’aube. Les indiens sont déjà nombreux au bord du fleuve, certains sont dans l’eau et s’immerge plusieurs fois en sautant. La musique percutante rythme les processions. Le niveau du Gange est très haut en cette période de mousson, et nous ne pouvons pas profiter pleinement de sa magie. Habituellement les ghât sont plus dégagées et les pèlerins plus nombreux. Dommage aussi pour la balade en bateau souvent recommandée dans les guides.
Nous continuons notre quête d’émotions en atteignant, une bonne demi-heure de marche plus tard, une ghât de crémation très discrète. Là, un homme nous guide, nous montre ce qu’on peut voir et nous entendons une nouvelle fois le procédé à suivre pour la crémation. On s’assoit sur un bout de mur, à côté d’un corps qui brûle. Un pied blanc recroquevillé dépasse du feu ; quelques minutes plus tard, le crématiste retourne, avec un bâton et dans un geste habituel, ce qui reste de la jambe du défunt pour que le pied puisse brûler. Il renverse le corps et nous voyons clairement le buste carbonisé sur le flanc. Nous quittons ce lieu sans trop savoir quoi penser.
De retour à l’hôtel à 9h30, on se repose, on prend une douche et on dit au revoir à Hugo (peut-être qu’on se recroisera à Nancy !). Enguerran et Mathilde s’achètent chacun une flûte en bois dans la rue pour 300rps (3,60€ les deux).
On se dirige à pied vers la gare, on cherche des temples, en vain, mais on voit d’autres choses surprenantes qui nous plaisent. La ville est très vivante, des enfants agités viennent nous voir pour être pris en photo.
Regardez bien ! Ce sont des buffles dans de l'eau :-)
Faute de temps et d’énergie, nous abrégeons le parcours jusqu’à la gare en rickshaw (vélo-taxi). On embarque et c’est parti pour la nuit.
Les trajets en train sont toujours magiques, ils mettent du temps à démarrer mais qu’est-ce qu’on s’y sent bien ! Définitivement, on adopte la classe sleeper (couchette sans clim). Le soir tombe et le paysage défile, nous nous endormons, chacun à notre place.
Il y a eu du monde cette nuit, on a été dérangé par des gens assis à nos pieds sur notre couchette. Le bruit des trains qu’on croise est aussi très particulier : entendre le klaxon au loin qui se rapproche de plus en plus et puis le train qui passe à vive allure dans un vacarme infernale… c’est surprenant, voire flippant quand on dort, mais c’est aussi ce qui fait le charme de ces voyages.
AGRA
On aperçoit le Taj Mahal, voici Agra ! Tout le monde descend ! On attrape un tuk-tuk pour atteindre le plus bel édifice du monde. L’entrée est un peu compliquée, tous les objets ne sont pas acceptés à l’intérieur : nos flûtes en bois et nos thés-souvenirs doivent aller aux casiers. La visite nous coûte chacun 750 roupies (9€), c’est très cher pour l'Inde, mais-bon-voilà-quoi.
Une fois cette étape passée, nous arrivons dans une cour bordée de bâtiments rose foncé. L’espace est plutôt agréable, mais ce qui nous intéresse est plus loin. Sous la grande arche, nous apercevons le palais qui se découvre au fur et à mesure. C’est là le moment le plus magique du Taj Mahal : sa découverte, quand on réalise qu'on y est. On l’a tellement vu en image, il nous a tellement fait rêver, qu'on se sent chanceux.
Le parc est très beau, bien entretenu, les grands bassins y trouvent bien leur place. Plus beau dans l’axe... ou pas dans l’axe ? Il est parfaitement symétrique, c’est troublant. Il fait une chaleur de plomb aujourd’hui, c’est difficilement supportable. Ici plus qu'ailleurs, les indiens veulent être pris en photo avec nous, nous ne refusons jamais. On traverse tout le parc jusqu’au monument.
Le Taj Mahal est un mausolée musulman en marbre blanc, achevé en 1640. Il est construit pour abriter le caveau de l’épouse de l’empereur, puis son propre tombeau. Les cénotaphes (faux tombeaux) sont au centre d’une grande salle, très haute sous plafond, pas très lumineuse, et somptueusement décorée de marbre. Les véritables tombeaux sont dans une crypte au sous-sol, nous ne pouvons pas les voir. D’autres petites salles vides font le tour, rien de très exceptionnel ici. On retiendra surtout le travail minutieux du marbre sculpté, et la pietra dura (comprenez : marqueterie de pierres semi-précieuses) qui ornent la base du bâtiment. Les deux mosquées de part et d’autre sont aussi courtes à visiter mais très belles.
Accès à l'intérieur (interdit de prendre en photo l’intérieur)
la pietra dura
la belle mosquée
Nous finissons la journée au Fort d’Agra ; la chaleur toujours assommante nous cloue à l’ombre, mais nous faisons quand même l’effort de nous relever pour visiter. C’est vaste, nous traversons beaucoup d’espaces différents. La taille, les matériaux, la luminosité changent pour créer des variations d’ambiances. On passe un bon moment. Nous revoyons les coréennes que nous avons rencontrées dans le train en venant à Agra.
Entrée du fort
A l'intérieur
Avec les 2 coréennes, étudiantes en architecture.
Nous quittons le fort et buvons un soda avant de rejoindre la gare. Nous prenons notre train de 18h, en classe climatisée cette fois… Il y fait froid et les sièges ne sont pas bien confortables pour dormir. On se fait servir plusieurs plateaux repas qui ne tentent pas Mathilde mais satisfont Maryselva et Enguerran. Nous arrivons vers 23h à Jaipur, un tuk-tuk et nous voilà bien rentrés, satisfaits de ce beau voyage.
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